Gilets jaunes, dégradation de biens publics: quelles sanctions pénales?
Depuis plusieurs semaines, de nombreux incidents et notamment des dégradations ont eu lieu en marge des manifestations organisées dans le cadre du mouvement dit des « Gilets jaunes ». Les images de l’Arc de Triomphe tagué, et de son intérieur saccagé, ont fait le tour du monde.
Qu’encourent leurs auteurs ?
La protection des biens renforcée ces dernières années
Depuis 2003, le législateur n’a cessé de renforcer le dispositif répressif en la matière. Il s’agit d’une part d’adapter le droit aux évolutions de la criminalité, mais également à l’émergence de groupements qui commettent des dégradations dans le cadre de revendications politiques.
C’est ainsi qu’en 2008, le législateur a incriminé spécifiquement la destruction ou la dégradation de parcelles de culture d'organismes génétiquement modifiés autorisées afin de réagir aux actions de certaines associations écologistes (article L. 671-15 du Code rural issu de la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008).
La loi n°2010-201 du 2 mars 2010 renforçant notamment la lutte contre les violences de groupe a quant à elle introduit un article 222-14-2 dans le Code pénal qui incrimine « le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens ».
Cette même loi a en outré érigé en circonstance aggravante de l'infraction, le fait de dissimuler volontairement tout ou partie de son visage afin de ne pas être identifié (article 322-3 du Code pénal).
Trois types de comportement sont réprimés
La destruction vise les actes les plus graves. L’objet est alors rendu totalement inapte à son emploi.
L'atteinte la moins grave consiste dans la dégradation.
La détérioration est encore plus légère, puisque l'objet simplement abîmé semble pouvoir encore remplir ses fonctions.
Les peines encourues
Le Code pénal opère une distinction selon que les destructions, dégradations, ou détériorations présentent ou non un danger pour les personnes.
Dans ce dernier cas, il s’agit de réprimer les dangers inhérents à l'emploi de certains moyens tels que l'incendie, les explosifs ou toutes autres substances dangereuses.
Les peines principales sanctionnant le délit de destruction, dégradation et détérioration ne présentant pas de danger pour les personnes, sauf s'il en est résulté un dommage léger, consistent en des peines correctionnelles de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende (article 322-1 alinéa 1er du Code pénal).
Différentes peines complémentaires peuvent également être prononcées par le juge (article 322-15 du Code pénal) :
- l'interdiction des droits civiques, civils et de famille,
- l'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise,
- l'interdiction de détenir ou de porter pour une durée de cinq ans au plus une arme soumise à autorisation,
- l'obligation d'accomplir un stage de citoyenneté,
- l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.
La tentative de ces infractions est également réprimée.
Des peines correctionnelles plus lourdes peuvent être encourues selon que le bien en cause présente des caractéristiques particulières, selon les modalités particulières de réalisation de l'infraction, ou encore selon des caractéristiques particulières touchant les victimes ou les auteurs (articles 322-2, 322-3 et 322-3-1 du Code pénal).
Il est prévu par les dispositions de l’article 322-3 du Code pénal une peine d’emprisonnement de cinq ans et 75 000 euros d’amende lorsque la destruction, la dégradation ou la détérioration a été commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, ou lorsqu'elle est commise par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée
Il en va de même lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est destiné à l'utilité ou à la décoration publique et appartient à une personne publique ou chargée d'une mission de service public.
Une autre circonstance aggravante consiste à avoir commis l’infraction un local d'habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels, en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade.
Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende lorsque l'infraction est commise dans deux des circonstances précitées.
Les dispositions de l’article 322-3-1 du Code pénal prévoient que les mêmes peines sont encourues dès lors que la destruction, la dégradation ou la détérioration a porté sur un immeuble ou un mobilier classé, ce qui est bien le cas de l’Arc de Triomphe qui fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 1896.
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